二宮宏之さんの死を伝える『ルモンド』紙を下に引用します。

(写真は ©東大西洋史, 1973)

 

Nécrologie

Hiroyuki Ninomiya, grand historien japonais

LE MONDE | 22.03.06 | 14h52  •  Mis à jour le 22.03.06 | 14h52  

 

Hiroyuki Ninomiya, mort le lundi 13 mars des suites d'un cancer, était un des grands historiens japonais de la génération qui, dans le dernier quart du XXe siècle, avait contribué à renouveler de fond en comble les approches strictement positivistes, nationalistes ou marxistes-léninistes qui dominaient alors l'historiographie du Japon.

en 1932, Hiroyuki Ninomiya avait choisi d'étudier la langue et l'histoire françaises parce qu'en pleine période de guerre froide et dans un pays encore occupé par les Américains, il ne " voulait pas choisir entre Moscou et Washington".

Après de brillantes études àl'Université de Tokyo, il se passionne pour la Révolution française sous la direction de son professeur, Kohachiro Takahashi, un proche d'Albert Soboul, Hiroyuki Ninomiya décide de se lancer dans l'étude de l'Ancien Régime et vient étudier à Paris de 1960 à 1966.

, il fréquente les séminaires de Jean Meuvret et d'Ernest Labrousse, se lie à Emmanuel Le Roy Ladurie, découvre la "nouvelle histoire" des Annales qu'il contribuera, par ses traductions, ou par celles qu'il dirigea, à faire connaître très tôt au Japon.

C'est grâce à lui et à la Société franco-japonaise d'histoire qu'il anime que de nombreux historiens français connaîtront le Japon et s'y feront connaître tels que Jacques Le Goff, Maurice Agulhon, Denis Lombard, Michèle Perrot, Roger Chartier... Hiroyuki Ninomiya avait une prédilection pour Marc Bloch auquel il a consacré un très bel ouvrage (publié à Tokyo en 2005).

Mais Hiroyuki Ninomiya n'était pas qu'un bon connaisseur de la France et de ses historiens. Il contribua par la profondeur de sa réflexion épistémologique et ses nombreuses publications à aider les historiens japonais à défricher eux-mêmes de nouveaux territoires et à produire une nouvelle manière d'écrire l'histoire, plus ouverte aux autres disciplines. Yoshihiko Amino, le grand historien du Moyen Age japonais mort en 2003, lui devait beaucoup.

Avec Amino et quelques autres, spécialistes du Japon ou de l'Occident, il avait fondé en 1984 une revue interdisciplinaire Recherches d'histoire sociale qui permettra à la nouvelle histoire japonaise de s'imposer dans le champ des sciences sociales.

Homme fin et cultivé, parlant un français merveilleux, Hiroyuki Ninomiya était aussi un de ces grands professeurs qui ont formé des générations d'historiens à l'Université des langues étrangères il enseigna longtemps. Il n'aimait guère les honneurs et préférait la discrétion et l'ombre de la recherche aux feux de la rampe.

Pierre-François Souyri

Article paru dans l'édition du 23.03.06