A la question : " Qui êtes-vous, cheikh
? ", mon grand-père aurait répondu un jour : " Je suis
un, de la fraternité ". C'était une manière de
reconnaître que derrière l a diversité des visages
humains se cache une personne confrontée aux mêmes questions
existentielles : Qui suis-je ? Pourquoi est-ce que j'existe ?
Où vais-je ? Et après la mort ?...
La tradition soufie s'inscrit entièrement dans cette quête
du sens, en rappelant que Dieu a créé le monde en voulant
s'incarner et se voir dans sa propre création. Prendre réellement
conscience de l'origine commune de toutes les créatures,
c'est nous réconcilier avec notre nature adamique. Le soufisme
nous invite donc à dépasser les clivages raciaux, religieux
et culturels afin de retrouver l'unité incarnée par
l'homme universel.
Mais l'homme ne peut accéder à cet état d'amour
fraternel que s'il parvient à atténuer l'influence de
ces états inférieurs par une é ducation spirituelle.
C'est ce que représente symboliquement le tasawwuf
à l'aide d'un cercle comportant plusieurs subdivisions..
La partie corporelle intègre en elle l'état minéral,
végétal et animal lesquels continuent d'exercer une
influence importante dans notre comportement. Ils doivent être
contrebalancés par la partie spirituelle afin de donner à
l'existence humaine un sens plus intérieur. La raison a son
rôle à jouer dans cette recherche d'équilibre puisqu'elle
permet à l'homme de se conduire en être réfléchi.
Cependant, son rôle reste limité, la raison ayant besoin
d'être accompagnée de conscience. Pour cela, elle sollicite
la présence d'une guidance pour s'élever jusqu'à
la conscience universelle. La quête intérieure suppose
donc un véritable travail sur soi qui exige une parfaite
humilité, sincérité et fraternité sans lesquelles
il n'est pas possible d'expérimenter l'amour divin. Seule
une vie saine et équilibrée garantit au soufi de gouter
la présence de Dieu en permanence et de Le percevoir à
travers toutes les créatures.
Cependant, l'unité intérieure à laquelle ils aspirent
ne va pas sans l'unité extérieure que doit réaliser
la société. C'est pourquoi nous reprenons la figure
du cercle.
Le premier et le plus central des cercles correspond au " système
philosophique ". Il s'agit d'un centre dynamique qui va animer
une élite dont le rôle est d'unifier la société
autour de valeurs universelles et d'une justice équitable.
Cependant, dès qu'elle perd ce centre, elle se transforme
en un " système politique ", divisé par les intérêts
divergents des partis. Cet éloignement progressif du centre
fragmente la société et l'affaiblit pour finir par laisser
place à un principe encore plus extérieur : le " système
économique " où seul compte le pouvoir de l'argent.
Il semble difficile aujourd'hui de nier la réalité de
la décadence de notre civilisation. Mais le fait que de plus
en plus de gens en prennent conscience et cherchent un moyen d'y
remédier est porteur du signe d'une nouvelle espérance.
C'est elle qui nous appelle à la paix et à la sagesse
pour arriver à percevoir dans l'autre un de la fraternité.
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